jeudi 15 décembre 2011

CULTURE / LITTERATURE / AZEMA

AZEMA

Nom et Prénom:Azéma,Jean-Henri
Naissance:en 1913,à Saint-Denis de la Réunion
Décès:en 2000,en Argentine
Métiers:journaliste,directeur d'une agence de publicité


Jean-Henri Azéma accomplit une partie de ses études secondaires dans l'île,puis s'installe à Pari où il étudie le droit et suit des cours de littérature à la Sorbonne. Devenu journaliste,il écrit pour différents journaux.En 1939,alors que la France est occupée,il se range du côté du régime de Vichy et devient commentateur politique sur une radio parisienne.A la fin de la guerre,accusé de connivence avec l'ennemi,il s'exile en Suisse,puis rejoint l'Argentine.Il devient le concepteur et le directeur d'une agence de publicité à Buebos Aires. Il rencontre des écrivains de la littérature sud-américaine: le Chilien Huidobro,l'Argentin Borgès,le Péruvien Valléjo,qui lui montrent de nouveaux itinéraires poétiques.En 1970,Jean-Henri Azéma rente de France et, en 1978,il est de retour à l'amour pour son pays natal.L'acceui fai à cet ouvrage le conduit à oser plusieurs autres recueils poétiques.Jean-Henri Azéma meurt en Argentine, pays d'adoption,et ses cendres sont dispersées sur les vagues de l'océan Indien à la Réunion et à l'île Maurice.




Olographe
En publiant Olographe,Jean-Henri Azéma souhaite léguer à ses lecteurs l'ensemble de ce qu'il sait,sent et pressent.D'ailleurs,lui-même précisera que cet ouvrage est un témoignage de la dure expérience de l'éxil.

DANS TOUT AMOUR IL Y A UNE ILE




1.-Dans tout amour il y a une île
mon île vous verrai-je jamais
la terre me sera lourde ici
elle pèsera sur mon exil
comme aux captifs les fers des bastilles
et leurs pieds aux ailes repliées


2.-Aux rideaux de la pluie appareillent
les galions de tapisserie
ils rhument l'arack de Mahavel
puis se font brusquement caravelles
est-ce toi qui tournes en ma cervelle
regret des îles ô Vierge Marie


3.-La terre me sera lourde ici
dans mon amour il y a une île
et d'étranges arbres qui distillent
des fleurs aux sistoles de letchis
la terre là-bas es un Manchy1
et l'exil mordoré comme une île


4.-Trés gentille mère de Dieu
ô Vierge en extase au coeur du doute
dites-Lui que ce n'est pas de jeudisi j'ai écrit et souffert en vain
Marie c'est qu'il mouvrit la route
vers l'enfer des Paradis sans fruits



5.-O Vierge je n'ai peur de mourir
je suis sang et 100 000 blessures
et sens poindre une sourde agonie
comme un pal et la mort refleurir
ô Vierge je n'ai peur de mourir
mais j'ai peur de la Patagonie2


6.-Dans tout amour il y a une île
tu es mon île Vierge Marie
tu es mon île de paradis
mais pour mon corps t pour que l'exil
dessous la terre me soit tranquille
ne me laisse pas mourir ici


6bis.-O ce vent de la Patagonie
ô ce froid de la Patagonie
ô ces ressacs de la Patagonie
on en meurt de la Patagonie
ô Vierge je n'ai peur de mourir
mais j'ai peur de la Patagonie


1Manchy:référence au poéme « Le Manchy » de Leconte de Lisle,
2Patagonie:partie méridonale de l'Argentine,entre les Andes,la Pampa et l'Atlantique,


GEOGRAPHIE / SAINTE-ANNE

Voici quelques photos que nous avons prises du Bassin Bleu qui donne son nom à notre collège ...






Nous allons régulièrement nous y baigner, et encore plus maintenant que l'été arrive !!!  :o)

CULTURE / LITTERATURE / GAUVIN

Sarda Garriga, komisèr la Répïblik, l’ariv de Frans pou abolir lesklavaz La Rénion le 20 désannm 1848. Sï la plas Barashoi, lï la fé in diskour ofisièl. Pou sertin, lï la döne in koudmin pou shanz la sosiété kolonial sank la san i koul. Pou d’ot, lï la fé bonpë promès, épi lï la parti san rogard dérier lï kisa la guinyé. Kosa Axel Gauvin i panse ?

PO SARDA

Kan Sarda l'ariv de Frans
Soidizan po libèr anou
Nout tout zésklav la reprann konfians
La anbras la tèr , la mars aznou

O Sarda toué la roul anou
Ton zoli kozman la trinn anou
Dan la bou

Toué la di fépa dézord
Dofé dann kann sa la pa bon
Sien mésan va pèrd lanvi mord
Mové mèt va ni bon patron

O Sarda toué la roul anou
Ton zoli kozman trinn anou
Dan la bou

Si la tèr groblan ziska zordi
La klos i sone ansanm Véli
Po apèl zésklav konm dann tan lontan
Madam Débassyns lé ankor vivan

O Sarda toué la roul anou
Ton zoli kozman trinn anou
Dan la bou

Zordi zésklav dokèr dann por
Zésklav mason Fané partou
Non lésklavaz lé pa bien mor
Sarda Gariga toué la roul a nou

O Sarda, toué la roul anou
Ton zoli kozman trinn anou
Dan la bou



Sarda Garriga, commissaire de la République, arriva de France pour abolir l’esclave à la Réunion le 20 décembre 1848. Sur la place du Barachois, il fit un discours officiel. Pour certains, il a aidé pour changer la société coloniale  sans faire couler de sang. Pour d’autres,  il fit beaucoup de promesses, et ensuite il est parti sans se retourner pour savoir qui a gagné ou qui a perdu. Qu’est ce que pense Axel Gauvin ?

Pour Sarda

 Quand Sarda arriva de France
Dans l’intention de nous libérer
Nous, les esclaves, nous reprîmes confiance
Nous embrassâmes la terre et nous marchâmes à genoux

Sarda, tu nous as mentis
Tes belles paroles, nous ont  trainés
Dans la boue

 Tu nous as dit de ne pas faire de bruit
Le feu dans les cannes, ce n’est pas bon
Les chiens méchants perdront l’envie de morde
Les mauvais maitres deviendront bon patron

O Sarda, tu nous as mentis
Tes belles paroles, nous ont trainés
Dans la boue

                  Sur la terre des riches jusqu’à aujourd’hui
La cloche sonne avec Véli
Pour appeler les esclaves comme autrefois
Madame Desbassyns est encore présente

 O, Sarda, tu nous as mentis
Tes belles paroles, nous ont trainés
Dans la boue

Aujourd'hui les  esclaves dockers au port
 Les esclaves maçon un peu partout
Non l'esclavage, n'est pas bien mort
Sarda Garriga, tu nous as tous mentis

 O , Sarda, tu nous as mentis
Tes belles paroles, nous ont trainés
Dans la boue

CULTURE / LITTERATURE / ALBANY

ALBANY

Nom et prénom : Albany, Jean
Naissance : en 1917, à Saint-Denis de la Réunion
Décès : en 1984, à Paris
Métier : chirurgien-dentiste

Jean Albany passe son enfance à la Saline, dont il sera beaucoup question dans ses écrits. Après avoir été élève au lycée Leconte de Lisle à Saint-Denis, il part à Paris faire des études pour devenir dentiste. Il fréquente le milieu littéraire et artistique de Saint-Germain. En 1951, il publie en français un recueil de poésie, Zamal, qui, en brisant avec le modèle encore vivant de Leconte de Lisle, lance la poésie réunionnaise sur les voies de la modernité. Sa rencontre avec Audiberti lui fait prendre un tournant déterminant : ce célèbre écrivain lui conseille e effet d’utiliser le créole comme langue d’écriture. Jean Albany s’empare alors de sa langue maternelle : il publie en 1974 le P’tit glossaire : le piment des mots créole et écrit avec bonheur plusieurs recueils poétiques essentiellement en créole. Homme aux talents multiples, Albany est également peintre, et il illustre lui-même ses recueils. Impliqué dans la vie culturelle de son île, il participe à l’émergence d’une nouvelle génération de poètes, de musiciens, comme Alain Péters qu’il découvre en 1978. Il meurt en 1984 à Paris, mais son œuvre n’est pas perdue car une fondation voit le jour pour faire découvrir ce grand poète.
1951 Zamal 1
 
En 1951, Jean Albany publie dans son premier recueil de poésie, en français, un texte « Le ciel », qui relève de la poésie descriptive.

LE CIEL

Le ciel s’en est allé, avec de blancs nuages,
Chercher un peu de vent, à la crête des vagues,
Un peu de vent tiédi qui courbe les roseaux
Sur le bord des étangs,
5 Un peu de vent perdu qui porte les oiseaux
Sur le bord des rivières
Jean Albany, «  Le ciel », Zamal, 1951

  1. Zamal : nom créole du chanvre indien de type cannabis.

CULTURE / LITTERATURE / GAUVIN

Roman po détak la lang démay le kèr (1983) 

Le titre de ce recueil est un programme, un appel à la rébellion culturelle par la démarche linguistique : « Aidez moi à décadenasser ma bouche, à couper le frein de ma langue, à défaire les liens de me parole », écrit l’auteur créole dans l’un des poèmes. Cette œuvre oscille entre  «tendresse et révolte », comme le souligne le titre de la deuxième partie.
(Trad.)

Mon kèr i fé pa vativien Mon cœur ne se promène pas
Si boulvar Saint-Germain Sur le boulevard Saint-Germain
Li grinp dann santié kabri Il grimpe dans le sentier-cabris
I sava si Taïbit. Qui conduit au Taïbit

Mil foi mil foi mié vo Mille fois mieux vaut
De vin fré dan lé o Le vin frais des hauts
Kan k savat dé doi la rès devan la port  Quand les savates sont restées sur le pas de la porte
Ke la nos emigré Que la noce émigrée
Dann péi malizé. En pays mal aisé.

Mon kèr i ronn pa Mon cœur ne fait pas la tournée
Dann sinéma Paris Des cinémas parisiens
Li asiz an roi Il s’assied en roi
Dan la kavern Dekot Dans la caverne de Cotte.

Rann Où est
Mon l’odér brann L’odeur des branches
Kan k briyar i lèv Quand le brouillard se lève
Kan k la klos boi d ranpar Quand tes cloches du bois de rempart
I sone pa po la mor Ne sonne pas à mort
E pi kan k vié Picard Et quand devant le volcan
Devan volcan i rèv. Rêve le vieux Picard

Mon kèr i fé pa vativien Mon cœur ne se promène pas
Si boulvar Saint-Germain Sur le boulevard Saint-Germain
Li grinp dann santié kabri Il grimpe dans le sentier-cabris
I sava mon péi Qui conduit au pays

Axel Gauvin romans po détak la lang demay le kèr
Traduction Axel Gauvin

CULTURE / LITTERATURE / MARIMOUTOU

MARIMOUTOU

Nom et prénom : Marimoutou, Jean-Claude Carpanin
Naissance : en 1956, à Saint-Denis de la Réunion
Métier : professeur de littérature à l’université

Pendant son enfance à Saint-Benoît, Jean-Claude Carpanin est victime d’un terrible accident. Cette tragédie qui a failli lui coûter la vie se retrouvera dans son œuvre. Adulte, il part en France, à Montpellier, où il fait des études qui le conduisent à l’agrégation de lettres. Rentré à la Réunion, il intègre l’Université où il occupe, à partir de 1997, un poste de professeur, après la soutenance d’une thèse d’Etat consacrée au roman réunionnais. Intéressé par les problématiques liées à la décolonisation, à l’oppression des minorités, aux luttes de libération nationale dans les pays du tiers-monde ou dans certains territoires français, Marimoutou se consacre à partir de 1978, à des combats politique, culturel et à l’écriture. Critique reconnu ayant préfacé de nombreux catalogues d’exposition, spécialiste incontesté de la littérature réunionnaise, acteur de la vie culturelle et de la création réunionnaises, il contribue, par ses écrits, au succès du groupe Ziskakan. Marimoutou est avant tout un poète et son œuvre est là pour en témoigner. En tant que tel, il explore des voies poétiques nouvelles, comme le montrent ses derniers recueils.

1978 Fazèle

Fazèle est l’anagramme de falaise. Ce recueil est aussi un grand poème d’amour dédié à la femme aimée et au-delà, peut-être à l’île. C’est enfin le constat d’une faillite, d’un monde placé sous le signe de la violence.

souffrances sur un podium
quand d’autres jouent
habillés
les livres prennent la forme de plumes

clochard allongé su le chant des autres
pouritir nou la pa bézoin
bonbon dann simétir
prends tes paquets prends tes paquets
domin gran matin
soley va lévé
groblan nora pi kozman
domin gran matin
soley va pété

maloya de nos enfants
car nous saurons enfin qui chante
non plus du fond de nos cœurs d’esclaves
les arrière-cours sont fermées depuis longtemps
exorcismes exorcismes
appel africain au-dedans de nous
et monte le grand feu
le grand incendie
non pas de nos prières
(nous n’en avons plus depuis longtemps)
de nos révoltes de nos haines
comme sabre sur galet
comme galet sur sabre
de notre amour

explosera tout ce qui doit exploser
germera tout ce qui doit germer
fleurira tout ce qui doit fleurir
en cet été de nos corps
où nous ne croyons plus
qu’en notre propre secours
nous te laissons les paroles lyriques
Mao
l’ étincelle
c’est nous qui la mettrons
et la plaine brûlera
comme si nous nous étions servis de nos cœurs





Jean-Claude Carpanin Marimoutou, Fazèle,
Ed. Chemin de la liberté, 1978,
Réédition K’A pou larg langaz, 2001.

CULTURE / LITTERATURE / GAMALEYA

GAMALEYA

Nom et prénom : Gamaleya, Boris
Naissance : 1930, à Saint-Louis, à la Réunion
Métier : enseignant

Boris Gamaleya, né d’un père ukrainien installé dans l’île mais très tôt décédé, et d’une mère réunionnaise, passe sa petite enfance aux Makes. Après le remariage de sa mère, il est élevé par son grand-oncle maternel. La vie rurale est le premier temps d’une expérience poétique du monde, prédisposition renforcée plus tard par les lectures de poètes.la formation du jeune étudiant en Provence est riche affectivement et politiquement. Il rencontre une compatriote qui deviendra sa femme, Clélie Gamaleya, et s’inscrit au parti communiste. De retour dans l’île, il enseigne. Il devient membre du Comité directeur du parti communiste réunionnais en 1959. En 1960, il est condamné à l’exil en France par l’application de l’ordonnance d’octobre. Le poète trouve une forme de résistance aux souffrances de ce long éloignement de douze ans dans l’étude de russe et les recherches sur la poésie ainsi que sur le créole. Vali pour une reine morte, poèmes de l’exil paraît en 1973, dès son retour dans l’île. Sa quête se poursuit dans un travail sur la culture populaire à travers les contes et se prolonge dans son œuvre. Ses positions critiques l’ont éloigné du Parti communiste dans l’année 1980. Il se consacre depuis à l’écriture. Ce poète majeur publie à intervalles réguliers des œuvres toujours fortes et singulières qui témoignent d’une constante évolution.

1973 Vali pour une reine morte
Dans ce long poème dramatique, épique et lyrique ; l’île devient l’enjeu de l’affrontement opposant les esclaves marrons Cimendef et sa femme Rahariane au chasseur d’esclaves Mussard. A la fin du recueil, la parole du poète relaie le chant d’amour que Cimendef adressait à sa compagne, représentation allégorique de l’île.

Ile
Aube de jade
Vertige des aiguades exorcisées
île
5 sonore jarre de haute légende
île
sein bleu de rahariane et neige des dodos
ô mon appolonie mon cygne ma colombe
île
sang de la main noire insurgée
giclant
vers la pulpe du mombolo
avant l’aube
rassembleuse d’oiseaux et de tortues pleureuses
au sable où se défait mon corps de sphaigne bleue
de rémora lassé d’errances sans histoire
pleurez ô filaos l’amour des astéries
saluez ô conques la voile pérégrine
avant l’aube
tu me foudroies
les loudes d’une nuit sans lune
ont brisé leurs scolopentes
fouetté la meute des tanrecs
brouillé la feuille des caféiers
île
bibacier au jusant de la brume
dinarobine sur l’orbite des paillanques
sirènes empalées
au phallos du corail
île
je tombe
sous ton regard d’oiseau de la vierge
je te salue ma reine
à la ronde pleurant la mort des princes noirs
et la mer dur leur stèle enflant ses fourmilières
je te salue
à tes pieds nus ambes mes mains jamais décloses
telle
à toutes les âges du columbaire
telle
à toutes pages de l’obituaire
telle toujours
au deuil de hibiscus

île
harpège de haubans sur les lagons brisés
unité reconquise au seuil des aïdorés

île
safaris et tamtams solstices de mes dieux
intègre polypier sous la croisée des vents
île
beau matarum feulant grand pavois cimarron
et race vagissante au pagne des marées


Boris Gamaleya, Vali pour une reine morte(extrait)
Imprimerie REI (Saint-Denis), 1973.


CULTURE / LITTERATURE / VAXELAIRE

Supplique pour ne pas être pendu avec les autres pirates
Après avoir écumé l'océan Atlantique , puis Indien , L'Asticot , dit L'As de pique ou La Pie , est capturé par les marins de Sa Majesté Louis XIV . Le pirate est amené à comparaître en justice à Paris.Il développe un long plaidoyer , adressé au juge , personnage invisible représentant la loi .
Je ne vais pas vous déranger longtemps : je sais , car on sait tout en prison, que vous recevez à souper Son Excellence le Commissaire général du Royaume et que Madame votre épouse déteste que vous soyez en retard .
Elle a bien raison , soit dit entre nous . Mon compagnon La Barrique , encore appelé Le Graillon , maître coq* sur l'Aigle des Sept Mers * , me l'a souvent répété : rien n'est plus hideux et malsain que la graisse qui flotte sur un rôt refroidi .
Je saisi l'occasion pour vous signaler que le menu des prison est parfaitement hygiénique : je n'ai jamais surpris une once de gras à la surface de ma soupe . Ni un demi-grain de viande au fond , d'ailleurs ...
Mais je m'égare ! N'hésitez pas à me remettre dans le droit chemin si nécessaire nous avons tant l'habitude de louvoyer , nous autres gens de mer, que notre discours s'emmêle parfois ...
Mon but , que cela soit bien compris , ce n'est pas de gagner du temps , ni d'user les nerfs de ce pauvre bourreau , que je vois là-bas au fond de la salle , en train de tuer les heures - faute de tuer autre chose - avec sont bout de corde...
Je lui apprendrai de beaux nœuds marins , si nous avions lui et moi le loisir ...
Pardonnez-moi , Votre Altitude , je me suis encore écarté de mon sujet.
Mon but , disais-je , n'est pas de gagner du temps mais de vous en faire gagner , à vous . Si j'ai bien compris les propos du capitaine qui nous a capturés , le grand tourment de sa profession est de devoir sans cesse courir aux trousses de gibiers dans notre genre , qui semblent se renouveler comme les animalcules* dans les mares : par génération spontanée .
Je vous propose, moi, d'agir à la source : si vous saviez comment empêcher les gens de se faire pirates, la marine de sa Majesté n'aurait pas à risquer ses membrures* sur les mers lointaines !
Daniel Vaxelaire ,Supplique pour ne pas être pendu
avec les autres pirates ,Ed. Orphie , 2003
*maître coq : cuisinier en chef
*L'Aigle des Sept Mers :nom du bateau sur lequel naviguaient les pirates
*animalcules : animaux microscopiques
*membrures : ensemble des membres d'une personne ou parties d'un navire .

CULTURE / LITTERATURE / TREUTHARD

Kozman maloya


ZORDI LA PLI DOMIN SOLEY
ZORDI MI PLI DOMIN MI REVEY
Amoin minm gardyin moka *
Laba léo Bernica *
Asiz sou in ma dsoka
Mi mazine tout mon traka


Moin lé noir moin lé vilin
Sa koulèr zèsklav maron
Moin lé noir moin lé vilin
Mon koulèr kafé griyé


Granmèrkal* na si son dos
In gro bos si son do
I défann a li volé baya*


Bèf nana desi son do
In gro bos desi son do
I défann ali kouri baya


Zèsklav osi na si son do
In gro bos desi son do
I anpès ali kouri


Zèsklav osi na si son do
In gro bos desi son do
In anpès ali volé


Moin lé noir moin lé vilin
Mon koulèr kafé griyé
Sabouk* i gingn la zourné
Lékzistans lékzistans maléré
Patrice Treuthardt , kozman maloya , 1978 , réédition K'A pou larg langaz , 2000


*moka : race de boeufs .
*bernica : lieu-dit des hauts de Saint-Paul , chanté par Leconte de Lisle.
*Ganmèrkal : dans la mythologie réunionnaise , ce personnage annonce le malheur .
* baya : interjection :
seigneur ! mon frère !
* sabouk : chabouc , fouet .
 
Traduction : 
 
AUJOURD'HUI IL PLEUT , DEMAIN IL FERA SOLEIL
AUJOURD'HUI JE PLIE , DEMAIN JE ME REVEILLE
C'est moi le gardien des boeufs Moka
Sur les hauteurs de Bernica
Assis sous un mât d'aloès
Je pense à tout mes ennuis


Je suis noir je suis vilain
C'est la couleur des marrons
Je suis noir je suis vilain
Je suis couleur café grillé


Grand-Mère Kalle a sur son dos
Une grosse bosse sur son dos
Qui l'empêche de voler mon frère


Le boeuf a sur son dos
Une grosse bosse sur son dos
Qui l'empêche de courir mon frère


L'esclave a sur son dos
Une grosse bosse sur son dos
Qui l'empêche de courir


L'esclave a sur son dos
Une grosse bosse sur son dos
Qui l'empêche de voler


Je suis noir , je suis vilain
Je suis couleur café grillé
Le chabouc en a pour son compte
C'est la vie , la vie de l'infortuné